KikouBlog de Rag' - Décembre 2011
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"Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien."

Par Rag' - 13-12-2011 19:04:57 - 8 commentaires

J-10

Ça y est, c'est fait. La lettre est postée. Plus moyen de reculer.

J'hésite depuis quelques temps à m'aligner sur une distance supérieure à 25 bornes uniquement armé de ma bite et de mes bâtons. Le choix fut assez facile. J'ai fait ma couille molle et je vais me taper 36 bornes et quelques sur une rando pépère de chez pépère.

J'aurais pu aller jouer le hamster compulsif aux 6 heures de Marchiennes, malheureusement je crains l'opprobe des puristes de la marche athlétique. C'est con comme réaction. M'enfin, j'en ai conscience...

 

J+2

Première fois.

PremièreS fois plutôt.

Premier CR depuis le début de mes pépins physiques, premier CR ayant pour thème la marche nordique, première sortie "officielle" à l'occasion de la Rando des 5 monts.

Cet évènement est organisé par l'école publique (j'y tiens) de Berthen (entre Boeschepe et Godewaersvelde, "Gode" pour les intimes. Très intimes. Genre DSK). La rando accueille près de 2 000 VTTistes sur quatre circuits (85 kms pour le plus long) et 1 000 randonneurs sur cinq circuits dont le plus long totalise 36 kms. C'est ce parcours que je décide d'entamer, il est à cheval sur la frontière franco-belge en parcourant les sommets enneigés de la Cordillère des Flandres. Je sais... Je la ressors à toutes les sauces cete fameuse "Cordillère" mais, n'en déplaise aux obsédés du D+ et autres Stakhanovistes de la pente à 75%, ici, ces monts sont vénérés, déifiés. D'ailleurs, une coutume ancestral veut que, chaque 16 juin, en hommage à Annie Cordy, nous sacrifions un couple de chômeurs et un pédophile (on les élève ici) en chantant du Plastic Bertrand et du Benny B., artistes ô combien adulés dans nos contrées.

 

C'est sans pression aucune que je me rends au départ de la rando. D'emblée, un constat s'impose:

  1. Stressomètre proche de 0: pas de chrono, ni de barrières horaires et encore moins d'heure de départ, c'est le pied total! C'est une rando pédestre, chacun est libre de choisir sa distance et démarre quand il le désire. Moi, j'dis ça, j'dis rien mais si le traileur lambda était si insoucieux des chronos et autres perfs, il se pointerait beaucoup plus souvent sur ce genre de manifestations. Balisage nickel, ravitos sympas et de la bonne humeur "en veux-tu, en voilà", que demander de plus? Des filles? He ben, y'a qu'à demander! La proportion de dames et demoiselles sur ces randos est laaaargement en faveur du beau sexe. Plutôt que de cotoyer une horde de mecs poilus, bourrus et dégoulinants de sueur, mon choix est vite fait...
  2. Une préparation kilométrée (en opposition à celles millimétrées effectuées les années précédentes). Aucune planification, que des kilomètres parcourus à la recherche d'un maximum de plaisir.
  3. Un équipement de warrior, je dirais même de "ranger", de Nordic Texas Walker Ranger! J'ai sorti toute la panoplie du parfait petit trailer: des pieds à la tête, ça pue le trail tendance ultra (seulement tendance hein!?): poche à eau, vêtements techniques et un tas de bricoles qui me semblent bizarrement bien plus utiles ici que sur d'autres épreuves où je courais. À commencer par les guêtres, autant ces dernières me semblaient relativement superflues en trail car je m'accomodais assez facilement d'un caillou dans la chaussure, autant, en marche, le moindre objet qui s'infiltre dans la godasse est un vrai calvaire. Et, par expérience, j'ai pu constater que cela arrivait beaucoup pus fréquemment en marche qu'en course. Même sur bitume! Ajoutez à cela le déroulé du pied qui vous fait apprécier la contondance du corps étranger... Je vous promets que les guêtres vous évitent bien des désagréments.

Passons les détails techniques et revenons à la rando proprement dite. Les organisateurs ont tellement bien fait les choses que randonneurs et VTTistes ne se croiseront que très rarement. Ça tombe car le peu de fois où j'ai pu en rencontrer, ce ne fut pas vraiment un plaisir... 

Je me dirige vers la salle où je retire le "roadbook", fiche plastifiée où sont inscrits une liste de numéros correpondant aux bornes qui jalonnent les chemins de randonnée des Flandres belge et française. On m'indique que le premier ravito est au 11ème kilomètre et que j'y repasserai au 29ème. On sent que l'organisation est bien rôdée, rien n'est laissé au hasard, tout ça pour 5€. Et à l'arrivée, j'ai le droit à un potje vleesch salade avec une bière. Pfiou! Dire qu'ils arrivent encore à dégager une belle somme pour financer les projets pédagogiques de l'école du village: les organisateurs sont tous les deux enseignants et les bénévoles sont les parents d'élèves, quel exemple de citoyenneté.

Je démarre donc sous un ciel gris et menaçant, par précaution, j'ai remisé ma veste coupe-vent et ai opté pour ma super Gore-tex "spécial CCC que j'ai pas fini". Très bonne idée sachant qu'en marchant, ça caille vraiment plus qu'en courant. En plus, y'a du vent! Bon, de la pluie, du vent, dans le Nord, c'est courant... mais c'est chiant.

Sur les premiers kilomètres, les randonneurs, quel que soit leur option de parcours, empruntent des tronçons communs et je dépasse quelques groupes. C'est l'occasion d'échanger un bonjour, des encouragements voire d'engager une courte conversation sur la marche nordique. D'ailleurs, je croise un groupe de jeunes femmes dont l'une d'entre elles s'exclame en me voyant: "ça, c'est vraiment le truc que j'aimerais essayer!". Je suppute que le "ça" désigne la marche nordique et non pas mon corps élancé de marcheur nordique déguisé en ultra jet set trailer. Un peu gêné par tant d'engouement, je joue le mec blasé et passe mon chemin. Une phrase me vient à l'esprit: "Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien" (merci Noir Désir, ou Nord Désir plutôt...).

Les kilomètres défilent et je ne double plus personne. Le temps se dégrade, un fin crachin jette un voile opaque sur la plaine environnante. Le parcours emprunte les chemins du Mont noir et du Mont Boeschepe que je connais pour les avoir pratiqués naguère. L'automne est passée par là, mais la clémence du temps en ce mois de novembre nous permet d'admirer le feuillage des essences d'arbres qui recouvrent les monts: chataigners, hètres, chênes sont majoritaires. Quel spectacle enchanteur! Du rouge, du jaune, de l'orange, les frondaisons éclatent de mille feux. Je vous fais pas un dessin, pas la peine d'en faire des tonnes, vous qui avez déjà vadrouillé, couru, marché, orienté ou forniqué en forêt savez à quel point Dame Nature peut être généreuse pour qui sait voir.

J'arrive au premier ravito et mon accoutrement interpelle les bénévoles qui s'y trouvent. Connaissant le merveilleux (sic) monde de la course, il me questionne sur les épreuves auxquelles j'ai déjà participé. Plutôt que de jouer les caïds ou les faux-modestes (vous vous reconnaissez?), j'embraye sur ma nouvelle passion et, tel Omar Sharif, je leur assène un "La Marche Nordique, c'est mon dada" qui réussit à égayer l'ambiance sous la tente. Une dame charmante est aux petits oignons avec moi et me propose de me sustenter à volonté afin d'entamer la plus grande portion de la rando, une boucle de 18 bornes où j'arpenterai le Mont Kemmel, en Belgique. Je quitte le ravito après 1h25 de marche.

Je vois encore moins de monde étant donné que je suis, à ce moment, sur la boucle exclusive du 36 bornes. Nous ne sommes qu'une quinzaine de randonneurs à avoir opté pour ce parcours. Les 15 kilomètres suivants sont extrèmement plaisants: les flancs du Mont Kemmel sont recouverts de prairies, de bois et de vignes (eh ouais, de vignes! Ne me questionnez pas sur le type de vin qui y est produit, je n'en sais foutre rien. À part que cela doit être une sacrée piquette... De la vigne dans les Flandres?! Et pourquoi pas de la bière à Bordeaux?). J'échange quelques mots avec un Flamand. Je tiens à saluer les Belges d'un "dag" plutôt qu'un "bonjour" frot inapproprié. Ça vous plairait qu'un anglais vous disent "good morning!" en plein Cantal? Ou cela vous traverserait-il l'esprit de dire "bonjour" en plein Madrid? Moi, non. Question de respect. Bon, c'était la parenthèse moraliste. J'en ai fini. Ouf.

Au kilomètre 25, je sens que les jambes tirent un peu, rien de grave mais la fatigue s'installe. Et la lassitude aussi, alors que je quitte le Mont Kemmel pour rejoindre le Mont Noir et son ravito par une longue ligne droite de 2 ou 3 km. J'arrive au ravito serein et passablement trempé. Non pas par la flotte qui tombe sans discontinuer mais par mon "jus". Je baigne dans mon jus, j'ai chaud mais le mopindre arrêt me refroidit illico. Je ne tarde donc pas: je remplis ma poche à eau. Je mange trois pruneaux, un epoignée de cacahuètes et zou! me voilà reparti pour les 6 derniers kilomètres. 

L'organisation a décidé de nous faire passer par la partie basse du Parc Marguerite Yourcenar du Mont Noir. J'ai beau avoir parcouru ces sentiers en long, en large et en travers, je suis toujours admiratif de la nature foisonnante et changeante suivant les saisons ou la météo. Arbres centenaires, parterres de fleurs sauvages, fruitiers dénudés par l'automne, prairies de fauche, toute cette flore inspire le calme et la sagesse. Pas étonnant que ce parc Yourcenar accueille la villa du même nom, résidence d'écrivains. Sûr qu'ils y trouvent la sérénité et la beauté nécessaires à toute production littéraire.

Alors que je longe une nouvelle fois une plantation typique de houblon, j'aperçois la salle des fêtes de Boeschèpe. Les deux derniers kilomètres sont une formalité sans intérêt. Je suis pressé d'en finir, heureux de n'avoir ressenti aucune gêne et d'avoir pu trottiner dans les descentes. J'espère peut-être pouvoir courir en 2012, sait-on jamais...Je suis accueilli à la salle par Manu qui possède le magasin Horizons Nature  à Villeneuve d'Ascq près de Lille. Nous blaguons et parlons matos de Marche Nordique. J'en profite pour me descendre une petite binouze bien agréable!

Pour l'instant, cette rando est la première étape vers mon objetcif principal en 2012: les 100 kms de Steenmachin.

 

Je vous donne RDV en mars lors des 6 heures de La Gorgue où j'affronterai une nouvelle fois...

 

...LA DAME QUI CRIE.

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