Par Rag' - 29-04-2023 18:59:53 - 4 commentaires
“Dance, dance, dance in muddy puddles
Splish, splash, splosh, splish, splash
Dance, dance, dance in muddy puddles
Splish, splash, splosh, splish, splash
With a big splash here, and a big splash there”
Ainsi s’exprimait une des plus grandes penseuses et essayistes de ce début de XXIe siècle, parce qu’elle était aussi poète et chanteuse à ses heures perdues, Peppa Pig, de son vrai nom Lady Penelope Fried Bacon. « Danse, danse, danse dans la boue, Plif, plaf, plouf, Danse, danse, danse dans la boue, Plif, plaf, plouf, Avec un grand plouf ici, et un grand plouf là», au-delà du caractère régressif de ces onomatopées enfantines, on note ici la volonté de l’autrice d’exprimer son désir de vivre l’instant présent, de réaliser son épanouissement à travers les diverses expériences que la Nature nous offre, un parfait exemple de l’existentialisme de Sartre. Cela siérait parfaitement aux dix dernières semaines qui viennent de se dérouler si j’étais un cochon. Ou un sanglier. Ou un phacochère. Sauf que je ne suis pas à proprement parler un représentant des porcidés…
« On dirait qu’ça t’gêne de marcher dans la boue … [ ?] »
Tu l’as dit, bouffi ! T’as raison, Raymond ! Weh wesh, Michel Delpech! Ça ne m’a pas trop rebuté au début mais je dois bien avouer que la flotte et la boue, et parfois un vent à décorner les bœufs eurent vite fini d’user ma légendaire patience et de me transformer en dangereux « argilophobe » (sic). « Ça raffermit la peau, c’est bon pour les pieds, on en fait de jolis vases », « Mon cul, ouais ! », plein les groles de déraper, glisser, patiner ! Les mois de mars et avril furent un calavaire, un long chemin de croix ! Je ne sais pas s’il y a eu les 14 stations mais je peux vous assurer que Jessie (JC) n’aurait pas gardé son calme olympien s’il avait dû se trimballer sa croix sur les pentes boueuses du mont Golgotha. J’vous prie de croire qu’il en aurait collé des tartes, la multiplication des pains, ça l’connait ! Et chaussé de ses Crocs en peau de chèvre (ou de mouton à quatre cornes !), c’est pas trois chutes qu’il aurait endurées ! Putain de bordel de boue ! … Camons-nous. Ceci dit, il est nécessaire que je reprenne depuis le début la narration de cette aventure qui s’est achevée ce samedi 22 avril vers 19h00.
Décembre 2022, Ledringhem, Nord. Allergique aux grandes messes du trail depuis un sombre mois d’août 2009 – RIP « esprit trail » parti trop tôt… - je me mets en quête d’un trail. Le cahier des charges est le suivant :
- Je n’en connais pas le parcours,
- Une fois la ligne de départ franchie, je n’aurai pas l’impression de faire mes courses à Auchan un samedi avant Noël,
- Une distance de 80 km minimum sans trop de D+.
En résumé, un trail qui semble abordable pour ma carcasse, mon porte-monnaie et ma santé mentale. Une fois de plus, c’est de l’autre côté de la frontière que le choix s’offre à moi :
- à ma droite, LAT pour Legends Ardennes Trail, 100 bornes, 3000 D+, course en ligne, 1ère édition, Ardennes Wallonnes ;
- à ma gauche, MUT pour Muur Ultra Trail (Muur Utra Trail), 80 bornes, 2000 D+, course en ligne, 1ère édition, Ardennes Flamandes.
Flandres contre Wallonie, Flamands contre Francophones, bière contre bière. Une opposition classique. Même si le LAT m’a paru, un bref instant, une option envisageable, il faut bien se rendre à l’évidence que les trois dernières années sportives ne plaident pas en sa faveur, un peu trop long mais surtout, ces Ardennes profondes m’inquiètent depuis juin 2019 et cet AMT (Ardennes Mega Trail) qui est à mon modeste palmarès ce que la victoire est à Pyrrhus : un statut de finisher mais à quel prix !? De la sueur, de la bave, des pleurs et un tombereau de tendinites et courbatures en tout genre. Ainsi, avec un physique en carton et un mental en polystyrène, il n’était pas dans mon intérêt de vouloir pisser trop haut. Je me sentais plus l’âme d’un teckel arthritique devant un réverbère que celle d’un Danois conquérant. Ce sera donc le MUT, à savoir un format que j’ai su maîtriser une fois sans pépins en 2018 lors de la 1ère édition du NTMF (Nord Trail des Monts de Flandres).
Janvier 2023. Comme à son habitude, mon frangin emboîte le pas et s’inscrit également sur le Eighty Eighties (jeu de mots que je n’ai toujours pas saisi, au contraire des Mighty Marathon, Dirty Thirty ou Twinky Twelve, les 3 autres distances proposées). Nous ferons la préparation ensemble, l’émulation compensera en partie le manque de motivation qui ne manquera pas de poindre le bout de son nez lorsqu’il s’agira de sortir les groles et la frontale sous la flotte et dans le noir. Ce sont dix semaines relativement chargées qui s’annoncent, le plan que j’ai concocté est une première en soi : je n’ai gardé que 3 sorties course à pied (fractionné en côtes/ « seuil » et sortie longue) et y ai ajouté 1 séance de renforcement musculaire, 1 séance de natation et 1 séance de vélo. J’espérais pouvoir m’éviter les blessures qui n’en finissent plus de raboter mes saisons et entamer mon maigre capital-confiance. Force est de constater que je n’ai pas réussi à m’y tenir ; la faute à la météo pour le vélo, la faute au boulot pour la pistache. Pour les sorties à pied, le boulot a été fait, c’est déjà ça.
Février-Mars-Avril 2023. Ah oui, faut qu’on cause de cette prépa… Naïvement, je m’étais projeté sur une préparation certes exigeante et parfois difficile, toutefois je m’attendais à quelques séances plus « faciles » par ci par là, le genre de séances où tu es dans le « flow », où tu te laisses porter par cet état de grâce qui t’enveloppe, te protège et te fait ressentir une certaine puissance, un bien-être béat… Hé beh, nada, que dalle, walou, peau d’zob ! Pour le « bien-être béat », on repassera. Ce fut une interminable succession de séances laborieuses, où j’en ai bavé, sué sang et eau, non pas tant par le contenu des séances mais surtout par les conditions météorologiques qui n’ont cessé de me pourrir l’existence : soit ça caillait des meules, soit ça pleuvait, soit ça soufflait. Ou les trois ensemble, YOLO !? J’en ai chié grave. À plus d’un titre je me suis souvent senti dans la peau de Karamazov (non, pas l’Aliocha de Dostoïevski), Karamazov Serge, « fils unique » dans la scène de la course-poursuite :
« Je vais me chier dessus. »
Littéralement j’entends ! C’est pas très glamour tout ça, ça en jette moins que de la Barkley, du Jornet ou de la Backyard, hein ?! Peu importe, j’ai atteint mes limites. Mes sphincters également, mais je tiens à préciser : sans les dépasser.
Même lors des sorties longues, ça n’a pas toujours été du gâteau. Une île flottante plutôt. De la flotte et de la boue, en quantité astronomique, lors du DAQ trail et de la Vic’trail entre autres. Autant de sorties en conditions de course qui, malgré tout, nous rassurent un peu sur notre état de forme : on grimpe facile, le cardio ronronne, la mécanique semble bien huilée. Les dix semaines de préparation touchent à leur fin et nous abordons cette dernière semaine, je ne dirais pas « confiant », mais sans inquiétude. Nuance…
Pendant ce temps-là, mon épouse trouve un logement qui nous accueillera la veille, côté logistique, elle « assure » (comme la Matmut, ou plutôt la Mam’ MUT, rapport au nom du trail toussa toussa… « Jean Blaguin, humoriste ! »).
La course se déroulant en ligne, d’un point A à un point B, il semble judicieux d’avoir un logement près du départ, la petite ville de Schorisse. Celui-ci se révèlera extrêmement confortable, accueillant et spacieux, même si nous avons grimacé après-course lorsqu’il fallut grimper les escaliers qui menaient au logement.
Un petit mot sur l’organisation et sa communication : j’adore les organisations belges ! Efficaces, pragmatiques, responsabilisantes. Depuis notre inscription, point de matraquage publicitaire via les RS, une réactivité exemplaire à nos questions et le souci de l’accueil et de l’environnement qui nous permettront de nous adonner aux douces joies du trail. Loin de vouloir faire de ce trail une machine de guerre qui écrase tout sur son passage, au propre comme au figuré, le nombre total de participants est limité à plus ou moins 550 coureurs (4 courses). Faire défiler des milliers de coureuses et coureurs à travers les espaces naturels provoqueraient trop de dégâts et/ou de dérangements pour la faune et flore locales. Ainsi nous ne serons que 67 inscrits sur le 80 km et environ 150 sur chacune des trois autres distances.
Le parcours. Il nous emmènera de Schorisse à Grammont, zone d’arrivée (41 km) où nous enchainerons avec le parcours du Mighty Marathon (+-45 km) avant de revenir dans Grammont pour une partie Urban trail qui nous fera emprunter le mythique Mur de Grammont (Muur van Geraardsbergen), secteur pavé ô combien célèbre du Tour des Flandres cycliste. Je dois bien avouer que lorsque j’ai eu accès à la trace GPX, je me suis inquiété du caractère réellement bucolique de l’aventure, nous aurait-on menti ? Le secteur est beaucoup moins sauvage que ce à quoi je m’attendais, nous ne sommes pas au cœur des Ardennes mais sur ses contreforts, moins de dénivelé donc plus d’activités humaines, plus d’habitations. Vu du satellite, ça ne vendait pas du rêve, loin de là. En revanche, vu du plancher des vaches (ou des lamas)…
Samedi 22 avril, Schorisse, 7h30. Après une nuit peu reposante, mon épouse nous conduit au départ dans la petite bourgade flamande de Schorisse. Non sans mal car de multiples déviations nous contraignent à rallonger le trajet et à diminuer subtilement la largeur de notre sillon inter-fessier… On serre les fesses quoi. Arrivés à Schorisse, l’église est vite repérée, la ligne de départ se situe juste derrière, à côté de l’école communale. C’est bon, on y est. Première interrogation du jour : ne nous serions-nous pas trompés ? Aucun bruit, aucun signe d’animation, c’est calme, paisible, une nappe de brume couvre les pâturages environnants, seul le champ matinal des oiseaux vient troubler la quiétude des lieux. On contourne l’église et s’offre à nous ce spectacle irréel : cinq ou six personnes sont affairées à préparer la ligne de départ. L’arche n’est pas encore gonflée, aucune sono pour cracher quelques titres rock’n roll réchauffées ; mais bientôt un duo saxo-synthétiseur s’installe et se met à jouer des titres populaires en attendant le reste des concurrents. Béni soit Charlie Oleg ! En tout cas, aucun signe d’empressement pour le staff : no stress, no fioritures, à la cool, à la belge quoi, j’a-do-re. Quinze minutes avant le départ, tout est en place, les coureurs sont arrivés, tous équipés de trackers GPS (comme des pros), les appareils photo et les caméras sont de sortie, ça mitraille et ça filme sévère, un drone vient compléter tout ça. L’équipe en charge de l’organisation semble extrêmement réduite mais exceptionnellement efficace. Une petite production hollywoodienne ! De plus, l’animateur [Mout Uyttersprot] qui s’empare du micro n’est pas sans rappeler Couscous (Jean-Paul Rouve dans Podium) : coupe mi-longue, veste improbable (en fourrure, un truc comme du putois) et le reste à l’avenant.
Équipé de son micro relié à une enceinte portative, il est là pour mettre l’ambiance et ça se voit ! Mais ça ne s’entend pas. Bon, on ne comprend rien de ce qu’il dit. Godverdomme ! Nous sommes en Flandres et malgré nos racines flamandes, sommes bien incapables de piger quoi que ce soit, nos compétences linguistiques se limitant à quelques expressions et autres jurons populaires. [On me signale dans l’oreillette que le dit-animateur est un acteur belge, surtout connu pour son rôle de Filip dans la sitcom flamande De Kotmadam, il est aussi un fervent amateur de trail].
8h00, le départ est lancé, un petit coucou à mon épouse puis Flo et moi enclenchons le mode « 6min/km ». Les premiers kilomètres sont une mise en bouche de ce qui nous attend pendant les prochaines 85 bornes, du plat, du faux-plat et quelques pentes nécessitant d’adopter marche plutôt que course. La météo est idéale, fraîche mais pas un nuage à l’horizon, profitons-en ! Et, comme l’a si bien chanté Coluche : « convenons-en ! », convenons que c’est vachement joli en ce début de printemps : des bois, des pâturages, quelques champs et des bestioles à plumes et à poils. Tenez, en parlant de bestiole à poils (ne vous inquiétez pas, rien de dégueulasse ne va suivre, pas la peine d’éloigner les enfants), un peu après le départ, j’aperçois un petit troupeau de moutons dont l’espèce m’interpelle : des moutons à quatre cornes, le genre d’animal que tu imagines soit dans des rites occultes où le maître de cérémonie est coiffé d’une tête sanguinolente d’ovin, soit sur les pochettes d’album d’un groupe suédois de Black Metal.
Bon ou mauvais présage, le doute m’habite ? Ce mouton qui semble tout droit sorti du bestiaire démoniaque de Brueghel l’Ancien et qui nous observe d’un regard torve est-il une créature démoniaque à la recherche d’âmes à damner ? D’un coup de sabot, va-t-il ouvrir la porte des enfers et nous condamner à une éternité de souffrance sous les fourches acérées des hordes de démons ? Est-ce que Satan l’habite ? Fort heureusement, rien ne viendra confirmer mes craintes et nous nous éloignons à petit trot du pré en forme de pentagramme…
9h00, une heure que nous sommes partis (calcul mental de ouf !). Tout semble en ordre, le parcours est roulant bien que très humide et boueux. Nous empruntons plusieurs anciens chemins pavés dont les pierres nous malmènent les plantes de pied ; entre les bas-côtés glissants ou les arêtes en granit, je choisis la première option. Nous nous alimentons et nous hydratons très régulièrement, la boisson isotonique et la barre énergétique sont appréciées…
Km 17, premier ravito. Nous rechargeons les poches en boisson énergétique et je me jette sur les chips et les cacahuètes, un peu de salé ça ne se refuse pas. Presque deux heures que je sirote ce truc affreusement sucré et mes papilles commencent déjà à saturer. Nous repartons dans la joie et la bonne humeur, encouragés comme il se doit par le responsable de l’organisation. Nous l’avons déjà croisé lors du retrait des dossards la veille et ce dernier profite de notre arrêt pour s’enquérir de notre ressenti en ce début de parcours. Nous sommes littéralement enchantés par les paysages, le tracé varié et ce balisage qui ne laisse jusqu’alors aucune place au doute.
Les kilomètres défilent, nous traversons de nombreux bois où des tapis de jacinthes ondulent d’un mauve apaisant sous les frondaisons de hêtres, chênes et autres résineux majestueux.
Soudain, un brocard en velours apparait à notre droite et nous accompagne sur quelques centaines de mètres, quel plaisir de traverser ces espaces naturels et avoir le privilège d’observer un tel spectacle. [Mode « Jamy » ON] Un brocard en velours est un chevreuil mâle dont les bois sont encore recouverts d’une peau appelée « velours » et non, il ne porte pas un pantalon velours côtelé, un collier de barbe et une sacoche en cuir en bandoulière [Mode « Jamy » OFF].
Quelques minutes plus tard, nous avons l’heureuse surprise de croiser notre quatuor de supportrices inconditionnelles (ma belle-sœur, mes deux nièces et mon épouse) qui vont nous suivre tout au long du parcours grâce au Livetrack que j’ai activé. Les pancartes d’encouragements sont de sortie ! Nous les croiserons plus d’une dizaine de fois et leur soutien sera un précieux réconfort dans les moments plus difficiles.
Nous échangeons quelques mots et repartons vers le second ravitaillement au km31. Je ne me souviens plus très bien de ce que j’y ai fait cependant je peux dire qu’à partir de ce moment, la petite balade sportive du samedi matin s’est imperceptiblement mué en « dans quelle galère nous ai-je embarqués ? ». Entre temps la flotte s’est invitée et me refroidit les guiboles. Le pas n’est plus léger, les muscles se nouent, l’heure n’est plus à la douce euphorie… La pluie et le vent d’est érodent mes ambitions en jetant un voile sombre sur mes capacités à aller au bout de cette aventure. Encore 55 bornes à tenir comme ça, je ne m’imaginais pas me sentir autant usé après 30 km, alors que notre objectif répété depuis le début était d’arriver au 41e km « relativement frais » et de commencer la course à ce moment-là. Le plan ne se déroule malheureusement pas sans accroc. Saint Hannibal Smith, priez pour nous !
Et quand ça veut pas, ça veut pas… Mon genou commence à me gêner, comme dans quasiment tous les trails de 30 bornes et plus : TFL ou tendon rotulien, si c’est pas l’un, c’est l’autre. On peut dire que je n’en mène pas large, c’est la fête à Neuneu, le salon du bobo, le festival de la couille : le physique en carton et le moral en polystyrène, j’vous l’avais dit ! Pour Flo, c’est pas beaucoup mieux, ça tape des semelles plus qu’à l’accoutumée, son ménisque joue les yoyos et une obscure tendinite achiléenne se rappelle à son bon souvenir. Décidément, ce trail se mue en cour des miracles, en pèlerinage de lépreux vers Jérusalem, les boiteux comptez-vous ! Pour nous consoler, nous avons en point de mire le ravito du km41 où nous attendent notre « sac de rechange » et un ravitaillement plus conséquent. Et hop ! Hocus pocus ! Abracarambar ! Nous voilà rhabillés de la tête aux pieds, au sec, en mode conquérant, le regard volontaire portant sur l’horizon lointain… … … Non, ‘fin, pas tout à fait, ça ressemble plutôt à une longue suite d’onomatopées. « Gnnnrr ! (putain de chaussures qui collent), Arrrrrhhh ! (les chaussettes gorgées de flotte et de boue), Grrrrrr p‘taaaiinn ! (Le pied nu dans la boue), Chiéééé ! (le dossard que tu dois accrocher sur le maillot sec), frot’ frot’ frot !’ (la serviette qui sèche). Ce « pit-stop » relève plus d’un numéro de cirque : équilibrisme, contorsion et escamotage (froid + pluie + effort = vasoconstriction, dois-je vous faire un dessin ?).
Cet arrêt nous prend une bonne vingtaine de minutes, néanmoins courir au sec nous permet de repartir dans un confort matériel bénéfique pour notre moral, d’autant plus que la météo se montre plus clémente, la pluie a cessé et le soleil arrive par endroits à percer la couche nuageuse (oui, vous savez bien, ce « ciel si bas qu’un canal s’est perdu »). Plus que 45 km … Ah oui, j’allais oublier le bouillon ! Quel plaisir d’avaler enfin un truc chaud, un peu salé après 4h30 à avoir ingurgité des trucs plus sucrés les uns que les autres. J’en peux déjà plus de ces gels, barres, boissons et autres qui me transforment petit à petit en marrons glacés ou en pâtisseries marocaines. J’vais finir par pisser des Dragibus. Nous repartons ragaillardis. De plus, les quelques étirements des quadriceps que j’ai effectués ont fait disparaître les gênes au niveau du genou, en revanche du côté des cuisses, ce n’est pas la grande fraîcheur.
« There is no alternative ! », Margaret T.
Cette deuxième partie nous fait tricoter autour de la ville de Grammont, et nous longeons des villages, traversons des bois, des zones humides, très humides, excessivement humides et surtout boueuses. Tous ces petits efforts pour ne pas glisser ou trébucher, rester concentré sur où et comment poser les pieds sont usants. J’en viens à apprécier les montées calmes et rythmées. Question forme, nous nous refaisons un peu la cerise pendant 1h30 ; à tour de rôle l’un emmène l’autre au gré des baisses et regains de forme. Cependant, à l’instar de Desproges qui « [sentait] bien depuis quelques temps [qu’il s’essoufflait] beaucoup trop bruyamment dans certains escaliers trop raides ou dans certaines femmes trop molles », notre allure tend à diminuer dans les pentes trop raides et les boues trop molles. Flo peste contre ce putain de ménisque, se demande ce qu’il fout là, qu’il ne prend pas de plaisir. Il est ronchon le frérot ! En ce qui me concerne, ça fait depuis le 30e km que je me dis que je ne suis pas fait pour ce genre d’efforts. J’aime en chier à l’entraînement, pousser la machine mais le jour J, j’aimerais pouvoir en retirer les bénéfices, merde alors ! Il reste une trentaine de kilomètres et je prie pour que notre état ne se dégrade pas trop… J’essaie de rassurer Flo en évitant les grands discours, les envolées lyriques telles que « t’as fait le plus dur ! », « n’y pense pas ! », « allez, ça va passer crème ! - certes je ne qualifierais pas ces quelques phrases de « lyriques » mais je vous la fais courte, on a l’idée quoi… Sinon question lyrisme, je me défends - , donc j’évite d’ajouter à sa douleur une logorrhée totalement déconnectée de la réalité et qui ne ferait qu’agacer un peu plus le frangin, on est fait du même bois. J’avance, il avance et hop ! on avance, on avance (C’est une évidence, de toute façon on n’a pas assez d’essence pour faire la route dans l’autre sens…). Ainsi nous nous fixons de petits objectifs : les ravitos. Chaque étape est une petite victoire en soi. Et 10 bornes par-ci et 16 bornes par-là, les compteurs tournent. Les filles nous encouragent à chaque fois que l’on traverse un axe routier, ça permet de nous changer les idées pendant quelques instants et de repartir un peu plus serein. Aussi, nous traversons l’immense propriété d’un châtelain local, impressionnante bicoque et un domaine bien sympathique. Et surtout nous croisons des lamas… oui, des lamas, les trucs qui ressemblent au croisement improbable d’une girafe et d’un mouton. Il faut savoir que la Belgique, particulièrement la Flandre, à l’instar de la Hollande qui se targue d’être l’autre pays du fromage, est l’autre pays du lama, de l’alpaga ou de la vigogne ! Y’en a partout ! Tu colles deux trois mecs bronzés avec des ponchos, des bonnets de zadistes et des flutes de pan, tu plisses les yeux et tu te crois au Pérou, au pied du Machu Picchu ! Et s’il n’y avait que ça ! Il n’est pas rare de croiser des daims, des muntjacs (ou un cervidé dans le genre), des paons albinos, des wallabies albinos, j’en passe et des meilleurs. Un truc de fous ! En tout cas, je ne sais toujours pas si le lama crache s’il est fâché !
Nous rejoignons ainsi Grammont autour du 70e km, ça sent bon l’écurie ! Ces deux dernières heures ne sont pas les plus fun(s) de notre périple, c’est peu de le dire. Cela relève plus de l’Urban trail avec quelques passages bien pentus sur le Mur de Grammont cher aux cyclistes, des escaliers bien raides, des rues pavées (ouille les plantes de pied !). Nous longeons une dernière fois la rivière Derdre avant de rallier l’arrivée sous les applaudissements de nos fidèles supportrices, des organisateurs et des personnes occupées à siroter leur bière. Une nouvelle fois, Flo et moi franchissons la ligne ensemble, l’essentiel est là, chacun tire profit de la présence de l’autre, j’en suis persuadé. L’accueil est exceptionnel, point d’anonymat pour les Français. Le responsable du tracé nous prend dans ses bras et nous entamons une petite discussion fort amicale avec lui et le fameux « châtelain » (il aurait pu nous payer une bière !). Nous échangeons quelques plaisanteries et ne manquons pas de les féliciter pour cette journée exceptionnelle en tout point.
Une dernière fois, les bénévoles sont chaleureux et bienveillants à notre égard, nous discutons avec deux autres membres du staff à propos du parcours, du balisage, et des difficultés. Je prends vraiment plaisir à échanger, rencontrer les personnes qui sont derrière ces événements. Les grosses machines ne permettent pas ce genre d’interactions, c’est la différence entre faire ses courses dans un supermarché ou chez un producteur, même si les produits sont identiques, l’expérience et les effets sont différentes. Pensons-y…
J+5 : Le bilan est globalement positif même si ce ne fut pas un long fleuve tranquille, comme je l’aurais souhaité. Le format long nous convient-il ? À réfléchir… Et à suivre.
Yann Rag’
De l'art d'exploser (les chronos et en plein vol aussi)
Par Rag' - 10-04-2017 20:18:42 - 1 commentaire
Votez pour moi!
Par Rag' - 19-03-2016 14:41:23 - Aucun commentaire
En mode Speculoos, Maroilles et consanguinité, et en direct des (très) Hauts de France:
Le North C Trail by Rag'
Enjoy the Rag'
"Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien."
Par Rag' - 13-12-2011 19:04:57 - 8 commentaires
J-10
Ça y est, c'est fait. La lettre est postée. Plus moyen de reculer.
J'hésite depuis quelques temps à m'aligner sur une distance supérieure à 25 bornes uniquement armé de ma bite et de mes bâtons. Le choix fut assez facile. J'ai fait ma couille molle et je vais me taper 36 bornes et quelques sur une rando pépère de chez pépère.
J'aurais pu aller jouer le hamster compulsif aux 6 heures de Marchiennes, malheureusement je crains l'opprobe des puristes de la marche athlétique. C'est con comme réaction. M'enfin, j'en ai conscience...
J+2
Première fois.
PremièreS fois plutôt.
Premier CR depuis le début de mes pépins physiques, premier CR ayant pour thème la marche nordique, première sortie "officielle" à l'occasion de la Rando des 5 monts.
Cet évènement est organisé par l'école publique (j'y tiens) de Berthen (entre Boeschepe et Godewaersvelde, "Gode" pour les intimes. Très intimes. Genre DSK). La rando accueille près de 2 000 VTTistes sur quatre circuits (85 kms pour le plus long) et 1 000 randonneurs sur cinq circuits dont le plus long totalise 36 kms. C'est ce parcours que je décide d'entamer, il est à cheval sur la frontière franco-belge en parcourant les sommets enneigés de la Cordillère des Flandres. Je sais... Je la ressors à toutes les sauces cete fameuse "Cordillère" mais, n'en déplaise aux obsédés du D+ et autres Stakhanovistes de la pente à 75%, ici, ces monts sont vénérés, déifiés. D'ailleurs, une coutume ancestral veut que, chaque 16 juin, en hommage à Annie Cordy, nous sacrifions un couple de chômeurs et un pédophile (on les élève ici) en chantant du Plastic Bertrand et du Benny B., artistes ô combien adulés dans nos contrées.
C'est sans pression aucune que je me rends au départ de la rando. D'emblée, un constat s'impose:
Passons les détails techniques et revenons à la rando proprement dite. Les organisateurs ont tellement bien fait les choses que randonneurs et VTTistes ne se croiseront que très rarement. Ça tombe car le peu de fois où j'ai pu en rencontrer, ce ne fut pas vraiment un plaisir...
Je me dirige vers la salle où je retire le "roadbook", fiche plastifiée où sont inscrits une liste de numéros correpondant aux bornes qui jalonnent les chemins de randonnée des Flandres belge et française. On m'indique que le premier ravito est au 11ème kilomètre et que j'y repasserai au 29ème. On sent que l'organisation est bien rôdée, rien n'est laissé au hasard, tout ça pour 5€. Et à l'arrivée, j'ai le droit à un potje vleesch salade avec une bière. Pfiou! Dire qu'ils arrivent encore à dégager une belle somme pour financer les projets pédagogiques de l'école du village: les organisateurs sont tous les deux enseignants et les bénévoles sont les parents d'élèves, quel exemple de citoyenneté.
Je démarre donc sous un ciel gris et menaçant, par précaution, j'ai remisé ma veste coupe-vent et ai opté pour ma super Gore-tex "spécial CCC que j'ai pas fini". Très bonne idée sachant qu'en marchant, ça caille vraiment plus qu'en courant. En plus, y'a du vent! Bon, de la pluie, du vent, dans le Nord, c'est courant... mais c'est chiant.
Sur les premiers kilomètres, les randonneurs, quel que soit leur option de parcours, empruntent des tronçons communs et je dépasse quelques groupes. C'est l'occasion d'échanger un bonjour, des encouragements voire d'engager une courte conversation sur la marche nordique. D'ailleurs, je croise un groupe de jeunes femmes dont l'une d'entre elles s'exclame en me voyant: "ça, c'est vraiment le truc que j'aimerais essayer!". Je suppute que le "ça" désigne la marche nordique et non pas mon corps élancé de marcheur nordique déguisé en ultra jet set trailer. Un peu gêné par tant d'engouement, je joue le mec blasé et passe mon chemin. Une phrase me vient à l'esprit: "Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien" (merci Noir Désir, ou Nord Désir plutôt...).
Les kilomètres défilent et je ne double plus personne. Le temps se dégrade, un fin crachin jette un voile opaque sur la plaine environnante. Le parcours emprunte les chemins du Mont noir et du Mont Boeschepe que je connais pour les avoir pratiqués naguère. L'automne est passée par là, mais la clémence du temps en ce mois de novembre nous permet d'admirer le feuillage des essences d'arbres qui recouvrent les monts: chataigners, hètres, chênes sont majoritaires. Quel spectacle enchanteur! Du rouge, du jaune, de l'orange, les frondaisons éclatent de mille feux. Je vous fais pas un dessin, pas la peine d'en faire des tonnes, vous qui avez déjà vadrouillé, couru, marché, orienté ou forniqué en forêt savez à quel point Dame Nature peut être généreuse pour qui sait voir.
J'arrive au premier ravito et mon accoutrement interpelle les bénévoles qui s'y trouvent. Connaissant le merveilleux (sic) monde de la course, il me questionne sur les épreuves auxquelles j'ai déjà participé. Plutôt que de jouer les caïds ou les faux-modestes (vous vous reconnaissez?), j'embraye sur ma nouvelle passion et, tel Omar Sharif, je leur assène un "La Marche Nordique, c'est mon dada" qui réussit à égayer l'ambiance sous la tente. Une dame charmante est aux petits oignons avec moi et me propose de me sustenter à volonté afin d'entamer la plus grande portion de la rando, une boucle de 18 bornes où j'arpenterai le Mont Kemmel, en Belgique. Je quitte le ravito après 1h25 de marche.
Je vois encore moins de monde étant donné que je suis, à ce moment, sur la boucle exclusive du 36 bornes. Nous ne sommes qu'une quinzaine de randonneurs à avoir opté pour ce parcours. Les 15 kilomètres suivants sont extrèmement plaisants: les flancs du Mont Kemmel sont recouverts de prairies, de bois et de vignes (eh ouais, de vignes! Ne me questionnez pas sur le type de vin qui y est produit, je n'en sais foutre rien. À part que cela doit être une sacrée piquette... De la vigne dans les Flandres?! Et pourquoi pas de la bière à Bordeaux?). J'échange quelques mots avec un Flamand. Je tiens à saluer les Belges d'un "dag" plutôt qu'un "bonjour" frot inapproprié. Ça vous plairait qu'un anglais vous disent "good morning!" en plein Cantal? Ou cela vous traverserait-il l'esprit de dire "bonjour" en plein Madrid? Moi, non. Question de respect. Bon, c'était la parenthèse moraliste. J'en ai fini. Ouf.
Au kilomètre 25, je sens que les jambes tirent un peu, rien de grave mais la fatigue s'installe. Et la lassitude aussi, alors que je quitte le Mont Kemmel pour rejoindre le Mont Noir et son ravito par une longue ligne droite de 2 ou 3 km. J'arrive au ravito serein et passablement trempé. Non pas par la flotte qui tombe sans discontinuer mais par mon "jus". Je baigne dans mon jus, j'ai chaud mais le mopindre arrêt me refroidit illico. Je ne tarde donc pas: je remplis ma poche à eau. Je mange trois pruneaux, un epoignée de cacahuètes et zou! me voilà reparti pour les 6 derniers kilomètres.
L'organisation a décidé de nous faire passer par la partie basse du Parc Marguerite Yourcenar du Mont Noir. J'ai beau avoir parcouru ces sentiers en long, en large et en travers, je suis toujours admiratif de la nature foisonnante et changeante suivant les saisons ou la météo. Arbres centenaires, parterres de fleurs sauvages, fruitiers dénudés par l'automne, prairies de fauche, toute cette flore inspire le calme et la sagesse. Pas étonnant que ce parc Yourcenar accueille la villa du même nom, résidence d'écrivains. Sûr qu'ils y trouvent la sérénité et la beauté nécessaires à toute production littéraire.
Alors que je longe une nouvelle fois une plantation typique de houblon, j'aperçois la salle des fêtes de Boeschèpe. Les deux derniers kilomètres sont une formalité sans intérêt. Je suis pressé d'en finir, heureux de n'avoir ressenti aucune gêne et d'avoir pu trottiner dans les descentes. J'espère peut-être pouvoir courir en 2012, sait-on jamais...Je suis accueilli à la salle par Manu qui possède le magasin Horizons Nature à Villeneuve d'Ascq près de Lille. Nous blaguons et parlons matos de Marche Nordique. J'en profite pour me descendre une petite binouze bien agréable!
Pour l'instant, cette rando est la première étape vers mon objetcif principal en 2012: les 100 kms de Steenmachin.
Je vous donne RDV en mars lors des 6 heures de La Gorgue où j'affronterai une nouvelle fois...
...LA DAME QUI CRIE.
Par Rag' - 17-05-2010 21:12:28 - Aucun commentaire
Par Rag' - 13-04-2010 19:16:43 - 3 commentaires
Delarue en a rêvé... Je l'ai fait.
Par Rag' - 27-11-2009 19:35:11 - Aucun commentaire
Je l’aurai, un jour. Je l’aurai…
Par Rag' - 01-05-2009 17:29:56 - 2 commentaires
Par Rag' - 01-05-2008 17:31:00 - 8 commentaires
Cela faisait deux ans que l’idée m’effleurait l’esprit, qu’elle revenait à intervalles réguliers. Après chaque course, chaque épreuve un tant soit peu ardue.
« Serai-je capable de devenir un Centbornard ? »
C’est début 2008 que l’idée s’est petit à petit concrétisée. Sous la forme de boutade, puis de vague projet, enfin de défi lancé à moi-même ainsi qu’à mon fidèle acolyte, Fabrice. Suite à l’Hivernale du Raid Normand (+ 50 bornes et 1200 D+) où je n’avais pas ressenti de grosses difficultés, j’ai décidé de me préinscrire sur le site des 100 kms de Steenwerck.
Néanmoins, durant les trois mois qui me séparaient du départ, les soucis, approximations et découragements se sont accumulés… La préparation fut une longue et morne improvisation : dans l’incapacité de suivre un plan de préparation digne de ce nom, je me suis mis à accumuler les longues sorties de 1h30 à 2h15. A cela venaient s’ajouter des pépins physiques récurrents (sciatiques, tendinites, contractures). A noter également que mon sommeil est loin d’être réparateur depuis trois semaines (boulot, stress, morosité sont les malvenues avant une épreuve de ce calibre). Il s’en est fallu de peu que ma préinscription ne devienne jamais une inscription…. Et ce « peu » se nomme Fabrice. Le fou s’est inscrit directement sans passer par la case préinscription « je-prends-le-temps-de-bien-réfléchir ».Donc, nous voilà, tous les deux ce 30 avril à 19h au départ des 100 kms. Auparavant, j’ai pu bavarder avec Pégase et Chtigrincheux, ce dernier me prêtant généreusement un Buff Kikouroù (j’ai perdu le mien trois semaines plus tôt), j’ai croisé Embrunman, Voilier59, ForrestGump, 100bornard1022. Sympa de faire ou refaire connaissance !
Nous nous élançons donc à petite allure sur le tracé jaune. Nous blaguons, saluons la foule et les premiers kilomètres sont vite avalés. Je prends bien soin de m’hydrater et manger à chaque ravitaillement, et il y a de quoi ! Nous discutons avec un coureur qui participera à l’UTMB 2008, son rythme est identique au nôtre et nous faisons un bon bout de chemin ensemble.
Etant donné que la nuit n’est pas encore tombée et que le ciel rechigne à nous tomber sur la tête (petite pluie au départ et le vent semble se calmer au fur et à mesure de la course), il est de bon ton d’admirer le paysage et les quelques bâtisses qui jalonnent le parcours. Bon, c’est vrai que c’est plat mais l’on peut admirer les flèches des clochers alentours qui se découpent sur l’horizon avec le soleil couchant en arrière-plan. Le seul dénivelé se matérialise par deux montées de ponts d’autoroutes que je décide d’affronter en marchant.
Le premier tour se termine et il est temps de faire un bilan : pas de bobos à l’horizon, les jambes commencent à être raides (déjà ?) mais j’ai espoir que la production d’endorphine puisse me les « endormir ». 2h34 pour les 23 premiers kilomètres, c’est honorable car nous nous arrêtons une à deux minutes à chaque ravitaillement. Manuwak m’encourage et cela me booste vers la sortie de la salle (merci à lui).
Le deuxième tour est entamé, la frontale est sortie et nous reprenons notre rythme. Nous passons le km25 et ma réaction fut de déclarer que nous avions fait le quart. « Déclaration digne de La Palisse » me direz-vous. Peu me chaut car, à cet instant de la course, mes neurones sont en stand-by et, vu que je ne suis pas très optimiste quant à ma forme physique, j’essaie de me motiver comme je peux… C’est mauvais signe.
Plus la nuit avance, plus les distances s’étirent. Ce tour n’en finit plus. « Si ça continue, faudra qu’ça cesse... » me dis-je en pouffant intérieurement. Mieux vaut prendre çà à la rigolade ! Chaque arrêt au ravitaillement est un soulagement pour mes cuisses qui durcissent (et y’a bien que ça qui durcit à ce moment-là !), je m’étire un peu et repart à chaque fois pour une épreuve de trois kilomètres, distance entre chaque ravito. J’essaie de dire quelques mots à Fabrice mais il n’est pas en meilleur état que moi, j’entends sa foulée qui rape le sol à intervalles réguliers. Pas dans son habitude, lui qui monterait les genoux au niveau du menton !
J’essaie de positiver, de me dire que l’endorphine va bientôt faire son effet, que je vais me brancher en mode « croisière » avec neurones en mode « off », que les 40 kms ne sont pas loin, que 50 kms, c’est pas grand-chose, que ça sera super une fois la ligne d’arrivée franchie…. Rien n’y fait, le moral s’évapore à mesure que le doute m’assaille. Très mauvais signe.
Et voilà qu’une voiture de l’organisation nous dépasse lentement, un gyrophare sur le toit. Que fait-elle là ? La réponse nous arrive très vite en pleine poire : le premier nous dépasse ; C’est bouche-bée que Monsieur Premier nous dépose comme deux vieilles déjections canines sur un trottoir…
Peu de temps après, je ressens une pointe sous le genou gauche. Bizarre. Cela fait deux ans que mon genou droit me fait des siennes, que je me focalise sur celui-ci et v’là ti pas que le gauche se rappelle à mon bon souvenir… « non ! Pas toi ! Tu peux pas m’faire çà ! Pas maintenant ! Pas aujourd’hui ! Traître ! » Cinq cent mètres plus loin la douleur est vive et me force à l’arrêt. C’est fini. La messe est dite. Le doute qui m’assaillait a fini par me submerger et l’idée d’abandonner s’est incrustée définitivement au sein de mes pensées. J’essaie de reprendre le rythme initiale mais je dois me rendre à l’évidence : le mal est là, l’envie n’y est plus, j’ai envie de hurler, de pleurer, de frapper ce genou qui me trahit, ces cuisses qui ne répondent plus à mes sollicitations. J’ai honte. Quel prétentieux j’ai pu être.
Les deux derniers kilomètres, car ce seront les derniers, sont un calvaire ; à la douleur physique vient s’ajouter la douleur morale, autrement plus dure à accepter et à supporter. Nous entrons dans la salle, je bois, mange, cherche autour de moi un regard salvateur. J’échange quelques mots avec Fabrice et me décide à consulter un des kinés à disposition. Il est à mon écoute, me questionne. Son diagnostic semble s’orienter sur un problème au niveau des lombaires. Je m’étire, essaie de trottiner hors de la salle mais quelques secondes de footing me forcent à l’évidence : je ne serai pas centbornard aujourd’hui. Fabrice, quant à lui, est cuit de chez cuit. Ce n’est pas son jour. Ce ne sera pas notre jour.
Avant de rejoindre la voiture, je laisse un mot sur la fiche Kikouroù pour signaler mon abandon.
Honteux, anonyme, seul…
Rag’
Bravo à tous.
Par Rag' - 01-11-2007 12:49:08 - 3 commentaires
Certains m’objecteront que ce CR n’a pas sa place parmi les CR de courses, OFF et autres exploits pédestres, je ne leur répondrais qu’une seule chose : « M’en fous, j’ai envie d’causer d’mes vacances, na ! »
Il faut dire que ce fut la première fois où je partais en vacances avec l’optique de me gaver de sorties « nature » et de bouffer du dénivelé par la même occasion !
Nous voilà donc partis, ma femme Caroline, mes deux loulous (Georges, 11 mois et Marion, 4 ans et demi) et moi avec force runnings et vélos dans , sur et derrière la voiture.
Voilà le début de cette belle histoire, nous descendions vers le midi….. le midiiii. Première étape à Ceyreste (13) non loin de La Ciotat, fief du célèbre Akunamatata à ce qu’il me semble…
Ne connaissant que très peu de parcours nature sympa dans le coin (il y en a mais les différents arrêtés « anti-incendie » empêchent de s’aventurer dans les massifs), je décide de défier une petite côte qui m’avait donné pas mal de fil à retordre cinq ans auparavant alors que je ne savais que chevaucher mollement mon VTC de l’époque ! J’en avais bavé autant à cause de la chaleur que du terrain : les pneus VTC n’accrochent pas vraiment la caillasse sèche !. Me voilà donc équipé de ma poche à eau DK, de mes runnings et d’une bonne dose de courage. Il doit faire 28°, pas beaucoup d’ombre, des cigales à vous exploser les tympans. Le pied, quoi !
Résultat : 40 minutes de grimpette dans la caillasse, non stop, 10 % de pente. Le rythme n’est pas vraiment soutenu mais j’y arrive sans trop de mal étant donné que je suis un rejeton des Flandres où le dénivelé se limite aux dos d’âne et aux déjections canines sur les trottoirs ! Je me suis donc enfilé 350D+ d’un coup ! (NB : je tiens à signaler aux non-initiés que 350 D+ signifie 350 mètres de dénivelé positif et ne désigne non pas quelque objet contondant à usage libidineux dégoté dans je-ne-sais-quel-catalogue douteux de VPC).
Désireux de ne pas revenir sur mes pas et aventurier dans l’âme (on ne rigole pas !) je pars à l’aventure sur le sentier qui s’étire devant moi.
Dix minutes plus tard me voilà en terrain connu, c’est-à-dire la départementale qui serpente vers Ceyreste : une bonne occasion de tester mes capacités de vitesse en descente… Résultat de la sortie : 1h 15, la poche à eau vide (2 litres), la satisfaction d’avoir fait un peu de « grimpette » et l’envie de réitérer cela le lendemain non sans avoir chaussé mes trails cette fois-ci : la caillasse avait eu raison de ma voûte plantaire !
Le lendemain, rebelote mais en tentant de tenir un rythme d’ascension un peu plus rapide que la veille. Un soleil de plomb, moult cigales et une irrésistible envie d’en ch… m’accompagnent cette fois-ci. Les sensations sont agréables même si je regrette la « sécheresse » de l’environnement : il est très difficile d’observer la faune ou la flore tellement le climat est rude (en cette saison ?). Je me permets même quelques accélérations dans les passages les plus ardues (à mon goût évidemment…). Malheureusement ce parcours est vite trop court et à moins de rebrousser chemin une fois arrivé en haut, il m’est impossible d’emprunter des sentiers bucoliques…
Au retour, je décide d’en parler à mes grands-parents qui me proposent la randonnée « Fontblanche », 14 kms, 600D+ (http://www.visitprovence.com/taurusdoc/Fontblanche.pdf).
Ce sera ma dernière sortie avant notre départ pour le Cantal. Une nouvelle fois équipé comme il se doit, je m’élance sur ce sentier de randonnée non sans avoir la crainte de me faire rembarrer par les Gardes qui sillonnent le massif à l’affût de tout départ de feu. Suis-je en faute ? Ai-je le droit de pénétrer ce massif ? Bon ! Je verrai bien…. La montée vers le Vallon de Pélengarri se passe pour le mieux : il fait un peu moins chaud que les deux jours précédents et une légère brise me rafraîchit le visage, à noter également que je ne suis pas parti en plein cagnard mais vers 17h30… Arrivé au sommet, le parcours serpente sur la piste des Crêtes où à nouveau je croise des pins, des pins, des chênes kermès et des pins. Ô miracle, des oiseaux (des geais : beaux oiseaux mais commettant de nombreux dégâts dans les nids de leurs voisins à plumes !) s’envolent à mon passage ! Pas facile de voir des bestioles (exceptées les cigales !!!) mais je me contenterai de cela ! La piste serpente sur 5 bons kilomètres et me permet d’avoir une vue magnifique sur la Méditerranée (baie de La Ciotat, Bec de l’Aigle, Cap Cannaille) d’un côté et le Baou de Bertagne de l’autre. Il est agréable de se retrouver seul à observer ces paysages d’autant plus qu’en cette saison estivale, la promiscuité est de mise en cette région !
Mais tout ne se déroule pas pour le mieux : je commence à stresser à l’idée de devoir passer devant la tour de guet des gardes (ai-je le droit de me trouver là ? Vais-je hériter d’une jolie amende ? Que vais-je répondre pour me défendre ?), la psychose s’empare de moi. Et également le doute par rapport à mon circuit : en effet, j’ai oublié le dépliant du sentier.
Je décide donc d’appeler ma chère et tendre épouse qui m’attend en bas : comme quoi la technologie a du bon, merci téléphone portable ! Caroline, après de nombreuses hésitations me confirme que je dois passer au pied de cette tour de guet et bifurquer sur la gauche quelques centaines de mètres plus loin.
Advienne que pourra, je m’élance et tel un sioux sur les pistes poussiéreuses du grand Far West, je tente de me faire remarquer le moins possible, frôlant les taillis, accélérant dans les passages les plus découverts et minimisant le bruit de mes pas. Autant dire que cela ne sert pas à grand chose à part me rassurer. Il faut signaler que je porte alors un t-shirt jaune fluo (de chez « jaune fluo »), y’a pas plus fluo que çà ! Les gardes ont certainement dû me repérer depuis des kilomètres et doivent se fendre la gamelle à la vue d’un « taré fluo en short »….
Je passe le cabanon des gardes et, rassuré de ne pas avoir été interpellé, je m’élance sur le chemin du retour. Celui-ci est très technique car la pente est un peu plus raide, le sentier beaucoup plus étroit et le sol surtout constitué de lits de pierres instables (des pierriers ?). Je saute, je cours comme un cabri en essayant d’éviter la chute ou l’entorse (pas l’habitude), j’estime ne pas trop mal m’en sortir mais à l’effort physique vient s’ajouter l’effort mental nécessaire pour rester attentif et réactif au mouvement anarchique du terrain.
La descente est d’autant plus longue que je me perds dans les taillis du fond de la vallée ce qui me fait rallonger mon tout de deux ou trois kilomètres. Je rejoins finalement la civilisation et demande mon chemin : je ne désire pas me paumer une nouvelle fois, bien m’en a pris car sans cette aide j’aurais pris la mauvaise option !
Je finis mon petit tour en 2 heures et des brouettes, content de cette « petite » aventure.
CANTAL, me voilà !!!!
Nous avons chois de louer le même gîte qu’il y a trois ans : un buron situé en haut d’un col. Le cadre est idyllique : une vue imprenable sur les orgues de Bort, sur le pays de Salers et une impression de plénitude. Cette région est vraiment magnifique, tous les éléments y sont présents et s’y côtoient en créant un relief tourmenté mais accueillant… Notre bâtisse se situe au beau milieu d’une estive et nous nous retrouvons cernés par les vaches Salers qui broutent paisiblement au son des clarines. Le pied, quoi !
A suivre...