Citius, Altius, Fortius, Fatuitus
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Citius, Altius, Fortius, Fatuitus

Par Rag' - 04-05-2012 20:23:54 - 12 commentaires

Ça fait un bon bout de temps que je ressasse le sujet, que je gamberge à propos de cette fuite en avant qui anime le monde de l’Ultra - dont je ne cherche plus à faire partie. À la lecture de quelques récits, de fora dédiés à la course à pied ainsi que de blogs tenus par des fanatiques du « toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus dur », mon sentiment s’est sensiblement modifié : de l’étonnement, je suis passé à de l’ébahissement voire à de l’envie, pour finalement en arriver à me poser la question : « Quel est l’intérêt de cette quête du « toujours plus » ? Quelle est la motivation qui anime ces individus ? ».

Mes réponses, loin d’être objectives, n’en sont pas moins inquiétantes car l’insatisfaction  semble prévaloir dans cette recherche de limites. D’une pratique de la course à pied qui voulait s’affranchir de la dictature du chronomètre l’on en arrive à une dictature de la distance et du dénivelé.

Un marathon en 4h ? La prochaine fois, ce sera en 3h45. Puis en 3h40. Puis en moins de 3h30. Etc.

Un trail de 30 bornes ? La prochaine fois, ce sera 50. Puis 70. Puis 90. Etc.

Je vous épargne les estimations de D+.

Ce carcan chronométrique insupportable pour les prosélytes du trail, de l’ultra ou de l’ultra-trail se retrouve transposé sous forme de kilomètres. Et toujours impossible de se défaire de ce fameux chrono ! Les barrières horaires sont là pour le prouver. Parcourir une distance en un temps imparti, quelle différence avec le marathonien qui cherche à performer ? La performance quantifiable est omniprésente, impossible d’y échapper même si certains se voilent la face et continuent à se bercer d’illusions quant à la supériorité d’une pratique sur l’autre.

Chacun est libre de ses choix, rationnels ou pas. Je n’ai pas à porter un jugement de valeurs sur ce comportement néanmoins, je peux lire régulièrement des propositions de parcours que je trouve aberrantes. La « Lyon SaintéLyon » ou le futur ( ?) Double Écotrail (Tour Eiffel - Départ - Tour Eiffel) en sont de malheureux exemples. Lorsque l’on est capable de se taper 150 bornes en courant, quel est l’intérêt de parcourir un trajet en aller-retour ? Personnellement, j’irais plutôt me mitonner un tracé bucolique si j’avais cette capacité physique. Pourquoi choisir une course célèbre comme support de cet A/R ? Se frotter à d’autres coureurs, histoire d’en épater plus d’un ? Chercher l’assentiment de pairs ? La reconnaissance plutôt que l’anonymat ?

Au mieux, c’est un manque d’imagination, au pire de la vanité.

 

Rag'_dubitatif

PS: Cette vaste (et double) question mériterait qu'on s'y attarde sur le forum. Malheureusement, polémique et internet ne font pas bon ménage.

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12 commentaires

Commentaire de fulgurex posté le 04-05-2012 à 23:54:20

Sans polémique, je te livre mon état d’esprit.
2008, je fais ma premier sainté pour récupérer un point et avoir le droit d'aller courir en masse autour du massif du Mont Blanc que j'affectionne tant avec mes crampons... Qu'y trouvé-je? Des gens stressés par la compétition, la distance, la nuit, l'inconnue, les relais qui nous bousculent... j'ai fini, mais je me suis dis que je n'y remettrai pas les pieds...
C'était sans compter sur mes copains qui faisaient cette Lyonsaintélyon. L’idée m’a motivé: faire fi d'un chrono pour le retour. Rentrer était déjà MON exploit. Et j'y ai trouvé ce que je suis venu chercher: de la franche camaraderie pendant un footing d'une journée merveilleuse, à courir les pieds dans la neige sous le soleil. Un entrainement pour les courses à étape que je prévoyais avec l'occasion d'essayer de faire un repas et une sieste en 4 heures, et un retour sans stress au milieu de gens qui, eux, étaient dans le même état qu'en 2008. Tout ces gens inquiets par les conditions hivernales du sol, et moi (nous) j'étais zen. Le retour s'est passé tranquille et j'ai réussi à dépasser ma plus longue distance jamais courue. A Lyon, je suis arrivé incognito sans fanfare, avec le même dossard que tout le monde, j'étais tout simplement heureux... peut être doublement heureux.
Pourquoi ne pas faire la même chose tranquille de son coté ? Parce qu’une épreuve fédère. Comme un mariage qui va faire revenir des copains de l’autre bout du monde et pas une simple fête. Faire 150 km demande une journée exclusive. Pas facile à dégager. Là, finalement, ça ne « coute » qu’1/2 journée de plus à la vie de famille. (Je n’ai jamais fait plus de 65 km en off avec quelques copains)
Et, surtout, on profite de toute l’organisation de la course pour le retour : intendance, ravito et rapatriement (on n’est jamais sur de rien…) ; c’est quand même plus sécuritaire que de se sentir épuisé, seul au milieu des bois.
La vanité est absente. La fierté non, mais pas plus que lorsque j’ai fait mon premier semi, ou le tour de la presqu’ile trucmuche. Pas la fierté d’avoir fait mieux que d’autres, non, la fierté de m’être fixé un challenge et de l’avoir remporté, tout simplement.

Moi, ce qui me parait fou, c’est de faire 100 km en boucles sur du macadam…

Commentaire de montevideo posté le 05-05-2012 à 08:20:32

Je suis un coureur sur route mais je fais les mêmes réflexions que toi :
1- gare à l'insatisfaction (je me place dans le lot c'est un de mes défauts)
2- chacun est libre de ces choix tu as raison après tout l'essentiel est de se faire plaisir et s'il y a du plaisir à aller toujours plus loin pourquoi pas si on est conscient des risques

Commentaire de Arclusaz posté le 05-05-2012 à 09:55:12

Interrogation légitime : l'allongement des distances pose question, ça fait vraiment "course en avant, sans fin, en attendant.... la blessure !". Je ne pense pas que nous soyons fait pour courir plus de 80 bornes surtout pas en compétition.
Alors, OK, dans nos petites vies tranquilles, nous avons besoin de projets pour nous sortir du quotidien, pour repousser nos limites : mais, gaffe à pas se cramer...
Ton exemple de la LSTL ne me semble par contre pas pertinent et la réponse de Fulgurex est très bien : c'est une balade entre copains, un "échauffement" (j'ai mis des guillemets, hein !)avec une absence totale de compétition à part contre soit même. L'idée de voir le parcours de jour dans des conditions de calme avant la tempête est excellente.
Autre exemple que tu n'as pas cité : le Tor des Géants. Malgré ce que j'ai dis plus haut sur le "côté pas humain de le chose", je trouve une circonstance atténuante : la logique du parcours, le tour de la vallée d'Aoste.
Comme toi, je pense qu'il faut arrêter la sur-enchère des km et des D+ en compétition mais qu'on peut faire quelques exceptions pour de beaux projets. Je précise que je ne suis pas coureur d'ultra et n'envisage pas de le devenir (la STL ce n'est pas de l'ultra pour moi et à part elle, je me limite à 50 km)

Commentaire de lapinouack posté le 05-05-2012 à 10:29:12

c'est pour ca que je cours que pour le plaisir et pas le chrono :)

Commentaire de CROCS-MAN posté le 05-05-2012 à 11:15:18

Objectif PLAISIR et dépassement de soi sont mes lignes directrices. Boulimique je le suis c'est vrai, mais peu m'importe de perdre 10 places pour prendre en photo une jolie vue qui me plait. Une course est un microcosme, un reflet de notre société, j'aime l'observer, l'explorer. Un coup devant, un coup au milieu, un coup derrière histoire de voir tout le monde en baver et se battre à son niveau, j'aime bien. Et puis après on y est tellement bien que l'on ne veut plus que ça s'arrête, MASOCHISME? peut être. 24h => 48h => 6j... C'est aussi l'un des seuls sports où tu peux t'aligner avec des champions et les voirs évouler, admiratif comme je le suis lors des courses horaires.

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 05-05-2012 à 13:22:13

Mon fils m'a dit un jour "Avec vos trails, toi et tes copains, vous jouez à qui aura la plus grosse". Voilà un bon moment que je me pose les mêmes questions et j'ai même initié un topic sur la casse en ultra, ayant moi-même observé un taux de casse anormal dans mon entourage qui compte pas mal de coureurs d'ultra.
On m'a rétorqué qu'on se cassait aussi sur piste (ça m'est arrivé) mais j'ai aussi observé que ces casses étaient mieux identifiées et étaient soignées à plus court terme. J'ai même posé la question de la casse liée à la transformation/fatigue hormonale.
Quant au dépassement de soi, je ne comprends toujours pas ce concept, comment peut-on devenir "plus" que soi-même ? Je préfèrerai utiliser l'idée d'affirmation de soi qui inclut nos propres limites et ouvre la porte à un peu plus d'humilité.
Cela dit, à chacun ses options. Mon but actuel est de pouvoir courir le marathon à 70 ans sans me casser (c'est bientôt) et de pouvoir m'éclater dans des cross de 5 bornes comme dans des trails de 30 ou plus (euh... pas plus de 40 svp !)
Du long, pourquoi pas... mais sans perdre de vue mes limites que je commence à connaître (à 56 ans, il était temps !).
Merci pour ce billet, le Rag. Je me sens moins seul.

Commentaire de Le Loup posté le 05-05-2012 à 14:44:57

T'as raison Rag' ! Mais pour moi c'est lié à la technologie et à la condition humaine plutôt que la faute des coureurs/organisateurs d'ultras…

Quand j'étais encore plus jeune qu'aujourd'hui, que l'internet balbutiait et que la pratique du trail était encore assez confidentielle ; j'étais moins "performant" qu'aujourd'hui (car moins entraîné) mais la satisfaction d'avoir couru un Templier suffisait à m'assurer une "gloire" personnelle dans mon entourage pendant au moins 1 an… Dès lors j'arrêtais de courir et j'employais pendant quelques temps ma jeunesse à des choses plus utiles. ;-)

Depuis l'avènement de l'info quasi-instantanée, à peine terminé un "exploit" il est dépassé par un autre dans les jours qui suivent… Le soufflé retombe un peu trop vite ! On est rattrapé par la dure réalité : nous sommes si nombreux à pouvoir le faire que ce n'est pas un si grand exploit alors ! La fierté en prend un coup... Que dire à nos proches ? :-(

Certains (ingénieux) ont développé une parade en s'inventant des défis exotiques qu'ils seront les premiers à réaliser. De quoi s'assurer une gloire éternelle ! Ahh… plus besoin d'être le plus fort : il suffit d'être le premier à le faire ! Et qu'importe que ce soit complètement inutile, c'est encore plus beau !!!

L'écriture sur un blog, la mise en ligne de vidéos, la panoplie toujours plus complète de données, de mesures... sont d'autres formes de cette mégalo galopante, et un prolongement naturel de ce qui a été exposé précédemment : quel est l'intérêt de venir exposer sa vie, ses joies, ses malheurs, son agenda, ses mensurations, ses tribulations... ?

Le plus important n'est pas ce qu'on fait en réalité, c'est de le faire savoir !!! Euhh, qu'est-ce que je fais là ? Je file, j'ai une course à préparer... ;-)

Commentaire de fulgurex posté le 05-05-2012 à 16:37:04

pourquoi toujours penser qu'on cherche l'exploit pour le faire paraître.
Au boulot, mes collègues savent que je cours... beaucoup. Et ça s'arrête là. C'est à peine si je le dis à mes collègues sportifs. A la maison, ça pèse un peu que je fasse de l'ultra: je suis parti plus longtemps. Et sur les courses, Jupette qui fait le "petit" trail a le temps de s'ennuyer avant que j'arrive... Mes enfants s'en fiche complètement et mes parents ont peur que je me blesse. Donc, en dehors de ce forum, peu de gens savent ce que je fais. Heureusement qu'il y a kikourou pour faire durer l'état d'euphorie.
Prépare toi bien, on t'attend :)

Commentaire de philkikou posté le 06-05-2012 à 10:51:21

bon sujet de dissertation.. je pense qu'on est tous interessé et interpelé par ce sujet... je ne viens pas souvent sur les blog de Kikou, faute de temps. Mais le sujet, l'auteur, et les réponses à ce sujet m'ont incité à y passer qqs minutes

La reflexion et la réponse qu'on peut en faire évolue je pense avec l'âge et l'approche qu'on peut avoir de ce que l'on cherche dans le sport : le dépassement de soi, la reconnaissance de notre entourage, avoir notre dose d'endorphine,...
C'est aussi difficile d'en faire une généralité , chaque cas est particulier, (et inversement, chaque particulier est un cas)

Qui n'a pas démarré par un 10kms, puis 20, marathon, poussant jusqu'au 100 (hein L'rag ;-) ) ... et tout ca en regardant avec admiration (et envie) ceux qui font des 6 / 12/ 24h.

Le trail pour la plus par de nous n'a pas le chrono ou la place comme objectif, mais la surenchère est partie sur la distance, le dénivelée. Les Ultras poussent comme des champignons et attirent de plus en plus..

C'est dans la nature humaine d'essayer de se dépasser pour des raisons plus ou moins louables et raisonnables. Quand la raison, tourne a la déraison, l'obsession pour un objectif de plus en plus "haut", ca peut foutre en l'air l'équilibre physique (blessure, manque de préparation, de récupération dû à un enchainement d'épreuves dément) , professionnel ou familial (la préparation de ces courses-là demande un investissement tel que la famille peut en souffrir) .

Je pense qu'avant de s'engager dans cette course au "plu" pour essayer de se dépasser, surpasser, il faudrait s'assurer que tous ces voyants soient au vert... et ne pas faire plus si un voyant est en mode "alarme" coté physique, mental, professionnel ou familial... ca peut nous foutre en l'air.. Mais a-t-on assez de lucidité quand nous sommes dans l'euphorie de l'enchainement de ces courses excitantes, enivrantes que l'on voit sur Kikourou ou dans des magazines ???

Je ne sais pas si ce sujet a été abordé sur le forum, mais de temps en temps il nous faudrait un rappel : " le sport est bénéfique, mais l'excès peut gravement nuire à notre santé " Allez j'arrête-là mes propos un peu décousu, je jette l'ancre et mets les voiles pour allez choisir des récits...

Commentaire de Rag' posté le 06-05-2012 à 20:03:35

Merci à vous tous pour vos réflexions. Je note qu'une certaine tenue a été respectée même si la dernière phrase de mon billet pouvait allumer les plus passionnés.
Chacun est libre de faire ce que bon lui semble, néanmoins, à cette liberté individuelle, je pourrais opposer/apposer une responsabilité collective. Sujet que j’aimerais développer dans un futur proche...
J'ai fait preuve de vanité quand je pensais pouvoir relever de nombreux défis et, malheureusement, je ne m'en suis rendu compte que lorsqu'il était trop tard...
Je pense qu'il est nécessaire de réfléchir avant d'agir, de chercher ses motivations, ses forces et faiblesses, sans pudeur et sans se voiler la face.
J'aimerais pouvoir m'entretenir plus longuement sur ce thème autour d'une bonne bière. Un jour peut-être...
Merci.

Commentaire de calou posté le 22-05-2012 à 17:44:08

Intéressant ce billet.
Serions nous tous un poil mégalo ? Faut bien se rendre à l'évidence, il doit bien y avoir un peu de ça. Vaste sujet en effet.
A bien y réfléchir compte tenu de mon niveau plus que médiocre en course à pied, c'est peut-être pas par hasard si je suis surtout entourée de gens qui ne pratiquent pas ce sport... C'est pour mieux voir l'admiration dans leur regard quand je leur annonce que le week-end passé j'ai couru pendant 24 heures ! ;-) D'ailleurs, aucun n'a jamais demandé quelle distance j'avais parcourue. Ce sont de vrais amis !

Commentaire de Laurent_Paris posté le 18-08-2012 à 15:56:26

Billet intéressant qui me rappelle une conversation un soir en Corse dans une bergerie sur le GR20 avec un dénommé César, syndicaliste CGT et retraité EDF ... Bref le dénommé César, au crépuscule et ayant éclusé son 10eme pastis me tenait à peu près ce discours: "la performance ... Ils ont tous ce mot là à la bouche ... Je les vois tous courrir pour "doubler" les étapes ... Moi aussi je les double les étapes, une étape de 1 jour je la fais en 2...je prends mon temps et mon plaisir" ... Ça m'avait bien fait marrer mais il y avait du vrai dans cette pensée profonde ... Aucune chance que César lise ce message du fond de sa vallée du GR20 mais je lui adresse une amicale pensée...

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